Jeunesse et sexualité : le préservatif perd du terrain en Guinée !
Bien qu’il soit un outil contraceptif efficace et accessible, l’utilisation du préservatif connaît aujourd’hui une baisse préoccupante en Guinée, particulièrement chez les jeunes générations. Cette situation, alarmante à plusieurs égards, contribue à l’augmentation des infections sexuellement transmissibles (IST), des grossesses non désirées et des avortements non sécurisés. Selon un constat de la rédaction de Prescrire Guinée, plusieurs facteurs expliquent cette tendance, notamment la fatigue face aux campagnes de prévention, le manque d’accès aux contraceptifs, et la montée des idées reçues sur la contraception.
Par ailleurs, la stigmatisation des discussions autour de la sexualité et le manque d’éducation sexuelle adaptée aggravent davantage le problème.
Que pensent les jeunes du préservatif dans les rapports sexuels ?
Entre stigmatisation, désinformation, manque d’éducation sexuelle et accès limité aux contraceptifs, de nombreux jeunes restent réticents à l’utilisation du préservatif. Voici quelques témoignages recueillis sur le terrain.
Marie Suzanne Camara, élève en classe de terminale :
« Ça fait maintenant plus de trois ans que je ne suis plus vierge. J’aime beaucoup faire l’amour, mais je n’ai utilisé le préservatif que deux ou trois fois. D’abord, ça réduit le plaisir sexuel. Ensuite, certains disent que certains préservatifs contiendraient le virus du SIDA. Selon beaucoup de gens, cela ferait partie d’un business lucratif pour certaines institutions, qui mettraient en circulation des préservatifs contaminés pour maintenir leur activité. Vrai ou faux, je préfère m’en méfier. En plus, je préfère “manger la banane sans la peau” ; c’est ce qui est logique à mon avis. »
Mamady Cissé, professeur de physique :
« Peu importe sa forme, la contraception devrait être systématique dans les rapports sexuels. Mais aujourd’hui, 80 à 90 % des jeunes n’utilisent pas de préservatif. Moi-même, j’en utilisais avant, mais ma petite amie préférait qu’on s’en passe, alors j’ai arrêté progressivement. Maintenant, je préfère les rapports sans préservatif, même si c’est risqué. Pour moi, c’est ce qui a du goût. »
Le rôle des croyances culturelles et religieuses
En Guinée, la promotion du préservatif est également confrontée à l’influence des croyances religieuses et culturelles. Dans de nombreuses communautés, l’utilisation du préservatif est perçue comme une incitation à l’immoralité ou à la promiscuité. Cette perception alimente la stigmatisation, particulièrement parmi les jeunes, qui craignent parfois d’être jugés.
Fatoumata Binta Diallo, étudiante en première année :
« Un jour, je suis allée acheter un préservatif dans une boutique de mon quartier. Il n’y avait que le boutiquier, moi, et deux autres jeunes. À ma grande surprise, l’information est parvenue à mes parents, je ne sais pas comment ni pourquoi. Le lendemain, les gens me pointaient du doigt en disant que j’étais devenue une prostituée. Beaucoup pensent que le préservatif est immoral et réservé aux personnes ayant plusieurs partenaires. Depuis ce jour, je ne m’en soucie plus. »
Hady Bah :
« Souvent, je veux me protéger dans mes rapports intimes, mais dans mon quartier, il y a peu de points de vente pour les préservatifs. En plus, dès qu’on en demande en public, les gens se moquent de nous ou nous regardent bizarrement. À cause de toutes ces tracasseries, j’ai arrêté d’y penser. Aujourd’hui, je fais mes rapports sans préservatif et je suis tranquille. »
Enfin, certains rejettent les contraceptifs pour des raisons religieuses.
Oumou Koulssoumi Baldé, femme au foyer :
« L’islam ne cautionne pas les contraceptifs. Comme la masturbation, c’est interdit. Mon mari et moi n’y avons jamais recours. Il ne faut pas suivre les tendances occidentales et désobéir à notre Créateur. C’est dangereux. »
Une éducation sexuelle insuffisante
En Guinée, les programmes d’éducation sexuelle sont encore très peu développés. Dans les familles comme dans les écoles, les méthodes contraceptives restent un sujet tabou. Par exemple, l’hygiène intime et la gestion des règles sont souvent apprises “sur le tas” chez les jeunes filles. De leur côté, les campagnes de santé publique peinent à capter l’attention des jeunes, qui sont souvent plus influencés par les réseaux sociaux et les modèles culturels occidentaux.
Mesures à entreprendre
Pour pallier le faible recours aux contraceptifs en Guinée, plusieurs mesures doivent être prises :
Intensifier la sensibilisation, particulièrement auprès des jeunes, en utilisant des outils adaptés (spots publicitaires, campagnes de sensibilisation, etc.) pour déstigmatiser l’utilisation des contraceptifs.
Améliorer la disponibilité des contraceptifs, non seulement au niveau national mais aussi dans les régions et préfectures.
Introduire des programmes d’éducation sexuelle dans les établissements scolaires pour informer les jeunes sur les différentes méthodes contraceptives.
Impliquer les leaders religieux et communautaires dans les campagnes de sensibilisation, afin de favoriser un changement social.
Ces initiatives, bien menées, pourraient contribuer à un changement de comportement et à une adoption plus large des contraceptifs dans nos communautés.
Morlaye KÉÏTA
610-120-805