Pathologies bucco-dentaires en Afrique : « L’éducation doit être privilégiée pour une meilleure prévention et une prise en charge plus efficace de ces maladies », estime Dr Nnanga Amougou Cécilia Carole du Cameroun.
Selon les récentes estimations de l’OMS (2022), les maladies bucco-dentaires touchent près de 3,5 milliards de personnes dans le monde, dont trois sur quatre vivent dans des pays à revenu intermédiaire. En Afrique, plus particulièrement, ces maladies, dont la prévalence ne cesse de croître, constituent un problème majeur de santé publique en termes de prévention et de prise en charge. La plupart des pays du continent ne disposent pas de politiques et de services suffisants pour prévenir et traiter ces affections bucco-dentaires.
Pour mieux comprendre les enjeux liés à ces pathologies, cerner les défis à relever et envisager des solutions pour une meilleure prise en charge en Afrique, notre rédaction a rencontré Dr Nnanga Amougou Cécilia Carole, spécialiste en santé bucco-dentaire au Cameroun.
Qu’est-ce que les pathologies bucco-dentaires ?
Selon Dr Nnanga Amougou, qui exerce au cabinet “JAH’S Dental” de Yaoundé-Essos et à l’Hôpital Saint Thomas de Nsimalen :
« Les pathologies bucco-dentaires se définissent comme l’ensemble des maladies qui affectent la sphère orale. Elles font partie des maladies non transmissibles les plus répandues et surviennent tout au long de la vie. »
Ces pathologies incluent :
Les caries dentaires ;
Les maladies parodontales, qui touchent les tissus soutenant les dents (se manifestant par des saignements ou gonflements des gencives, des douleurs et parfois une mauvaise haleine) ;
Les cancers de la bouche (notamment des lèvres et autres sites de la cavité buccale), qui constituent le 13e cancer le plus répandu au monde ;
Les fentes labio-palatines ;
Le noma (une forme sévère de stomatite gangreneuse, touchant principalement les enfants de moins de six ans en Afrique subsaharienne) ;
Les traumatismes bucco-dentaires (dus aux accidents de la voie publique, violences physiques et sports de contact).
« Les maladies bucco-dentaires les plus fréquentes en Afrique sont les caries, les maladies parodontales et les traumatismes dus aux accidents de la route. Ces problèmes sont exacerbés par une hygiène insuffisante, une mauvaise éducation bucco-dentaire et le manque de priorité accordé à la santé bucco-dentaire », précise Dr Nnanga Amougou.
Quelles sont les causes et facteurs de risque ?
Parmi les causes principales, Dr Nnanga Amougou cite la consommation excessive de sucre, associée à une mauvaise hygiène bucco-dentaire, qui favorise la prolifération bactérienne. Parmi les facteurs de risque, elle identifie :
Le déséquilibre alimentaire et les mauvaises habitudes ;
Le tabagisme ;
La consommation d’alcool.
Comment mieux prévenir ces affections ?
Pour prévenir ces maladies, Dr Nnanga Amougou recommande :
1. Une alimentation équilibrée, pauvre en sucres et riche en fruits et légumes, avec l’eau comme boisson principale ;
2. L’arrêt de la consommation de tabac et la réduction de l’alcool ;
3. Le port d’équipements de protection pour les sports ou déplacements à vélo/moto, afin de prévenir les traumatismes ;
4. Un brossage des dents deux fois par jour avec un dentifrice fluoré (1 000-1 500 ppm).
Elle insiste particulièrement sur le rôle de l’éducation :
« L’éducation est la meilleure stratégie pour une prévention efficace. Nos États doivent intégrer des programmes de santé bucco-dentaire dans les écoles, tout en les élargissant aux familles et lieux de travail. »
Selon elle, sans éducation adéquate, même une prise en charge publique et des assurances santé ne suffiront pas.
Quelles solutions durables pour l’Afrique ?
Dr Nnanga Amougou propose plusieurs solutions :
Intégrer l’éducation à la santé bucco-dentaire dans les écoles ;
Former les agents de santé communautaires à la santé bucco-dentaire ;
Réduire l’exposition aux facteurs de risque comme le sucre, le tabac et l’alcool ;
Intégrer les données bucco-dentaires dans les programmes nationaux de surveillance des maladies ;
Donner autant de visibilité aux maladies bucco-dentaires qu’aux autres priorités sanitaires.
Elle conclut :
« Nos gouvernements doivent reconnaître l’urgence de la situation. Malgré quelques progrès, la santé bucco-dentaire reste négligée en Afrique. Il est essentiel d’élaborer des données épidémiologiques locales pour des stratégies adaptées. »
Morlaye kéïta
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