Dr Moussa Fofana : « Pour une prise en charge plus efficace et résiliente de nos populations, il est crucial de repenser et de réorganiser notre système de santé. »

Comme dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire, le système de santé de la République de Guinée fait face à d’importants défis nécessitant une attention urgente et des actions concrètes. L’amélioration des infrastructures sanitaires, la formation de personnel médical qualifié, un meilleur équipement des hôpitaux, l’accessibilité équitable aux soins et un financement adéquat figurent parmi les priorités essentielles pour garantir des soins de qualité à l’ensemble de la population. Un engagement soutenu de l’État, appuyé par la communauté internationale, est également indispensable pour renforcer le système de santé et répondre aux défis actuels et futurs.

Afin de mieux cerner les enjeux et d’envisager des pistes de solutions, la rédaction de prescrireguinée.info s’est entretenue avec le Dr Moussa Fofana, médecin généraliste et médecin-chef de la clinique médico-chirurgicale de Sonfonia Casse.

Un déficit criant en ressources humaines

Dans son analyse, ce professionnel expérimenté déplore avant tout un manque de ressources humaines, qu’il considère comme un handicap majeur pour le système de santé guinéen. Il souligne la pénurie de personnel qualifié, aggravée par l’émigration massive des professionnels de santé vers des pays offrant de meilleures conditions de travail.

<< À l’époque du premier régime, l’accès à la filière médecine obéissait à des critères rigoureux. Il fallait obligatoirement figurer parmi les deux premiers de sa région ou de sa préfecture. Aujourd’hui, malheureusement, ce sont souvent ceux qui échouent aux examens nationaux qui s’orientent vers la santé. Cela affecte gravement l’efficacité de notre système, car ces personnes n’ont pas le niveau requis, et manquent parfois de probité morale ainsi que du sens du devoir humanitaire », déplore le Dr Fofana.

Un dysfonctionnement organisationnel persistant

Le médecin-chef pointe également une défaillance dans l’organisation des structures sanitaires. Il dénonce la présence, à des postes stratégiques, de personnes dont le niveau de formation ne correspond pas aux responsabilités exercées. Cette mauvaise répartition des rôles nuit à la qualité des soins.

<< Il faut placer les bonnes personnes aux bons postes pour assurer un fonctionnement optimal. Que les médecins, infirmiers, agents techniques de santé (ATS) et autres soient chacun à leur place >>, insiste-t-il.

Des infrastructures inadaptées et un plateau technique obsolète

Autre point soulevé : l’insuffisance des infrastructures et des équipements médicaux. Selon le Dr Fofana, de nombreux établissements manquent de matériel de base et de médicaments essentiels. Les zones rurales sont particulièrement démunies, contraignant parfois les populations à parcourir de longues distances pour des soins élémentaires, comme une simple extraction dentaire.

Une inégalité flagrante d’accès aux soins

L’accès aux soins reste profondément inégalitaire, notamment entre les zones urbaines et rurales. Les populations rurales peinent à bénéficier de soins de qualité. De plus, le système souffre d’un déficit chronique de financement. Fortement dépendant des aides extérieures souvent mal utilisées et des budgets nationaux limités, il peine à se développer de manière durable.

Des pistes de réforme pour un système plus résilient

Pour renforcer le système de santé guinéen, le Dr Fofana formule plusieurs recommandations concrètes :

Investir dans les ressources humaines, en renforçant les capacités des établissements d’enseignement supérieur et en soutenant la spécialisation des professionnels de santé grâce à des subventions ;

Améliorer les infrastructures sanitaires, notamment en construisant et en équipant des hôpitaux en zones rurales ;

Moderniser les plateaux techniques, afin de les aligner sur les standards internationaux ;

Renforcer les soins de santé primaires et élargir l’accès aux services pour tous ;

Allouer un financement suffisant et pérenne au secteur de la santé dans les budgets nationaux ;

Réorganiser le cadre organique pour une répartition cohérente des compétences et une meilleure qualité des soins.

Selon lui, seule une volonté politique forte, couplée à l’implication effective de tous les acteurs, permettra de bâtir un système de santé guinéen à la fois efficace, équitable et résilient.

Morlaye KÉÏTA 

610-12-08-05